Je viens de terminer le
nouveau livre de cette fabuleuse auteure qu’est Laura Kasischke. Eh bien pour
une histoire glauque, c’est du glauque. Je l’avoue d’emblée, j’ai moins
apprécié ce livre que ceux lus précédemment.
Plantons tout d’abord le
décor. En ce matin de noël, Holly, son mari et leur fille, Tatiana, se réveillent
en retard. En effet, il reste encore beaucoup de choses à préparer pour le
repas. Plusieurs personnes de la famille et des amis sont attendus. D’ailleurs,
étant donné l’heure avancée, le mari se lève en trombe et part aussitôt
direction l’aéroport pour récupérer ses parents. La mère et la fille se
retrouvent donc seules à la maison pour préparer le repas. Et voilà, c’est
parti pour 300 pages toujours aussi bien écrites et d’une grande finesse
psychologique. 300 pages tendues et suintant la rancœur. Et oui, ce face à face
mère/fille ne vous laissera pas indifférent.
C’est que la fille, 15 ans, est
en pleine crise d’adolescence, et du genre pas facile en plus. On sent bien que
le passé familial est lourd. L’auteur décrit à nouveau une atmosphère très
étrange et lourde de sous-entendus. 13 ans plus tôt, Holly et son mari sont
partis en Sibérie arracher « Bébé Tatty », comme ils la surnomment, à
l’horrible orphelinat où elle avait atterrie. Les flashbacks revenant sur
l’adoption et la rencontre avec Tatiana arrivent toujours de manière très
délicate, ils sont parfaitement intégrés au déroulement de l’intrigue, sans
heurt.
D’habitude si aimante, Tatiana
se comporte étrangement ce matin là. Elle n’est pas agréable et s’agace pour un
rien. L’adolescente type quoi ! Au fil de l’intrigue son comportement
devient de plus en plus étrange et hostile. Dès le début de cette histoire,
nous sentons que quelque chose est différent. Holly l’a bien senti en se
levant, une pensée l’étreint jusqu’à l’asphyxie : « Quelque chose les
avait suivis de la Russie jusque chez eux ». Elle aimerait l’écrire quelque
part, sur un bout de papier, dans son journal intime, pour l’exorciser, mais
cette journée ne lui en laissera pas le temps. Cette phrase est martelée au
début du roman comme un leitmotiv funeste, un mauvais présage. Plus les heures
passent plus les échanges sont tendus. Comme si ce dernier incident, le réveil
tardif, était la goutte qui faisait déborder le vase. La tension emmagasinée atteindra
son paroxysme à la toute fin du livre, fin dont je ne vous révélerai rien
évidemment mais qui remettra en perspective toute votre lecture. Un coup de
massue que je n’avais pas ressenti depuis la page mythique au milieu du livre Sukkwan Island de David Vann.
Attention les secousses. Mais qu’est-ce que c’est bon !
Alors tout à l’heure je vous disais que ce livre m’avait moins accroché que les précédents de l’auteur, peut être parce que j’étais encore trop hanté par l’atmosphère d’En un monde parfait qui mine de rien ressemble beaucoup à celle d’Esprit d’hiver : un huis-clos, des face-à-face tendus, une atmosphère de fin du monde. Du coup, j’ai eu beaucoup plus de mal à entrer dedans mais cet effort passé, ce livre reste une grande claque. Kasischke est vraiment une grande auteure qu’il faut absolument lire et ce sans modération.
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