mardi 22 octobre 2013

La Disparition de Jim Sullivan, Tanguy Viel, Éditions de Minuit

Pour inaugurer la rubrique littéraire de mon blog, je vais commencer par l’une de mes dernières lectures. Une demi-déception. J’en avais entendu parlé, l’histoire et le procédé narratif m’intéressait beaucoup. J’avais hâte de le découvrir. Pour le style, ça donne ça :
« Du jour où j’ai décidé d’écrire un roman américain, il fut très vite clair que beaucoup de choses se passeraient à Détroit, Michigan, au volant d’une vieille Dodge, sur les rives des grands lacs. Il fut clair aussi que le personnage principal s’appellerait Dwayne Kostern, qu’il enseignerait à l’université, qu’il aurait cinquante ans, qu’il serait divorcé et que Susan, son ex-femme, aurait pour amant un type qu’il détestait. »
Vous l’aurez compris, ce livre est à mi-chemin entre l’essai et le roman. Le narrateur (Tanguy Viel ???) explique ce qui l’a poussé à écrire ce livre. Partant du simple constat que depuis quelques années sa bibliothèque, et donc ses lectures, était constituée pour la majorité d’auteurs américains, ou plutôt d’auteurs internationaux comme il aime à les appeler puisque traduits dans de nombreuses langues. Ce postulat pris, le narrateur explique comment il écrirait son « roman américain ».
J’ai adoré l’idée, l’auteur en rassemblant les clichés des fictions américaines compose son propre « roman américain ». Le héros ou plutôt anti-héros, parce qu’il se doit comme dans tout bon « roman américain » de ne plus être totalement irréprochable, est professeur à la fac, spécialiste d’Hermann Melville, alcoolique, divorcé, ancien joueur de hockey. Il conduit une Dodge et écoute en boucle les chansons du fameux Jim Sullivan mentionné dans le titre du livre, et dont l’histoire éclairera celle de Dwayne. Un beau petit mélange de plusieurs inspirations littéraires d’outre-Atlantique : un peu de Philip Roth, de Joyce Carol Oates, de tension à la Laura Kasischke, des paysages à la Jim Harrison et un soupçon de Richard Ford. Une belle brochette d’inspiration, n’est-ce pas ?



Et c’est vrai que parfois ça fonctionne très bien, on y croit. Je ne sais pas trop comment l’expliquer, mais on a l’impression de voir le roman se faire devant nos yeux. En évoquant un cliché automatiquement l’ambiance se fait. On visualise directement ce que le narrateur veut dire et nous faire comprendre de son personnage.
            « C’est la première scène de mon livre, un type arrêté dans une voiture blanche, moteur coupé dans le froid de l’hiver, où se dessinent doucement les attributs de sa vie : une bouteille de whisky sur le siège passager, des cigarettes en pagaille dans le cendrier plein, différents magazines sur la banquette arrière (une revue de pêche bien sûr, une de base-ball bien sûr), dans le coffre un exemplaire de Walden et puis une crosse de hockey. »

Mais voilà, le procédé tourne parfois un peu court : « Si j’étais un écrivain américain j’aurai écrit ça… » ou « … écrirais-je… ». À force ça devient un peu répétitif. Et puis ce qui me dérange surtout, c’est ce tic que je retrouve souvent chez les auteurs Minuit de nous montrer qu’ils sont plus malins que les autres auteurs : « Regardez, je n’écris pas un roman  “international” , j’écris un roman qui utilise les clichés du genre et je vous en montre la construction et les rouages ». Dans l’écurie Minuit on écrit pas de « simple » roman, on réfléchit et on analyse le genre en même temps. Alors parfois ça passe, on se laisse prendre et on se dit que l’auteur est très futé et que c’est très intéressant. Bon là, je trouve que ça ne passe pas. Tant pis. J’attends le prochain Minuit et je vous en reparle.

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